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HOWARD : INTERVIEW EN FRANCAIS

Il fait environ moins 4 degrés dehors, il fait noir, il nous reste un demi-paquet de cloppes et on essaie de prendre une photo d’Howard pour la couverture de cette interview aussi vite que possible. On ne voudrait pas qu’ils chopent la crève, ils ont un concert à assurer.

Après le lancement de leur nouvel album, “Event Horizon“, et la fête qui a suivi en janvier, Howard donne un concert low-key à Magny-Le-Hongre, à 30 km de Paris. Le concert est peut-être “low-key”, mais ils montent sur scène avec la même énergie et la même rigueur qu’ils le feraient dans une salle remplie de leurs principaux fans.

On a décidé que c’était le moment idéal pour poser quelques questions au groupe – Tom KarrenJM Canoville et Raphaël Jeandenand – voici ce qu’ils ont à dire !

Howard The Band

K-RPM : J’aimerais qu’on récap depuis votre départ. Comment vous vous êtes rencontrés ? Vous avez l’air d’être assez proches, vous étiez potes avant de vous mettre à la musique ?

HOWARD : Ça marche mieux quand on est potes, en effet ! Le groupe s’est construit à partir de 2016 autour de JM et d’un pote batteur, Guillaume, que tu as peut-être percuté sans faire exprès dans la foule au moment de notre release party. Raph est très vite arrivé par le biais d’une petite annonce en ligne et le groupe a commencé à construire. J’ai (Tom) sauté dans le train en marche au moment des concerts en septembre 2017, on se connaissait avec JM d’un précédent projet indie-folk et ça a avait bien accroché avec Raph, alors go !

K-RPM : Comment avez-vous créé le son de « Howard » ? Est-ce qu’il y a des groupes que vous appréciez et qui vous ont directement inspiré ou bien vous l’avez structuré naturellement dès le départ en jouant tous les trois ?

HOWARD : A l’origine du projet, il y a JM pétant une pile en découvrant les Hollandais de Birth of Joy dans un camion après avoir amené une énorme sono pour un mariage. On rajoute un peu de Dewolff, de QOTSA, forcément The Doors, du Deep Purple parce qu’on ne pose pas des claviers sur du gros rock innocemment. Après avoir dompté et hiérarchisé un peu toutes ces influences, on a pu commencer à affiner le son. Ces dernières années ont été particulièrement riches pour nous dans ce travail de taille et de ciselage sonores avec l’apport croissant de Raph sur des sonorités électroniques. On est contents de la signature sonore du groupe aujourd’hui, mais on a pas fini de courir après un horizon sonore, ça c’est sûr !

K-RPM : On as vu que les journalistes ont tendance à mentionner les groupes qu’ils perçoivent comme étant vos influences. C’est intéressant parce que vous avez foncièrement votre propre son. Est-ce que vous prenez leurs commentaires comme un compliment ?

HOWARD : On met beaucoup d’énergie à tous les niveaux de développement du projet pour qu’il se différencie au sein du très beau vivier rock dans lequel il évolue. Il faut souvent du temps pour qu’une idée infuse, qu’elle soit vraiment palpable au moment de nos concerts ou même à l’écoute du disque et c’est franchement le meilleur des compliments qu’on puisse recevoir que d’entendre parler de « notre son », d’un truc singulier, qu’on n’entend pas tous les jours.

C’est toujours un plaisir de jouxter des gros noms comme Deep Purple ou The Doors dans un article, bien sûr ! Pour autant, on trouverait dommage de résumer Howard à un revival 70s. Bien sûr, il faut donner un cadre au lectorat pour appréhender le projet mais on fait de toute façon confiance à l’intelligence et la sensibilité de chacun.e pour apprécier à quel point on honore ou on trahit ces fameuses influences.

K-RPM : Avez-vous déjà été comparé à un groupe en particulier où vous ne ressentez aucune connexion ?

HOWARD : Il est arrivé qu’on nous compare à ceux qu’on t’a cités jusqu’ici car on est vite catalogués avec un orgue dans la formation. Mais à mesure que le projet grandit, il devient son propre référentiel et les artistes que tu considérais comme tes grands frères te paraissent lointains. D’un point de vue sonore, ça marche aussi avec les groupes de potes qui suivent la même courbe de progression que toi, quand chacun a trouvé son identité, c’est normal que les comparaisons soient plus difficiles à tenir. Humainement par contre, c’est l’inverse, tout ce temps passé sur la route à partager des scènes nourrit une belle solidarité qui fait chaud au cœur. C’est important qu’on se serre les coudes dans la grande pension du rock.

K-RPM : Vous avez osé affronter vos influences avec la reprise de Waiting for the Sun. Vous habitez cette chanson tout naturellement et avec émotions – spécialement avec l’ajout de l’annonce de la mort de Jim Morrison. Était-ce une décision émotive que d’enregistrer et sortir cette chanson ? Est-ce que vous avez ressenti le besoin de le faire ? 

HOWARD : On voulait reprendre les Doors parce qu’ils ont vraiment nourri notre son et plus généralement les êtres humains aux joues boutonneuses et aux voix incertaines qu’on était encore il y a quelques années. Quand s’est profilé l’anniversaire des cinquante ans de la disparition de Morrison, on a charbonné pour mettre ça au point. C’était très dur d’arrêter notre choix sur une chanson parce qu’il y en a tellement d’iconiques mais c’est finalement l’ambiance générale, le brouillard COVID et notre besoin d’aller de l’avant

qui nous a fait opter pour Waiting For The Sun. Le cadre qu’on a créé dans le studio Sextan et le speech du documentaire nous ont d’ailleurs bien cueillis au moment d’enregistrer, c’était un moment plus émouvant qu’on aurait imaginé.

KRPM … va-t-on un jour l’entendre live ?

HOWARD: On ne l’a jouée qu’une seule fois pour un festival vers Rennes l’été dernier. Il faut se creuser la tête pour la positionner comme il faut dans la setlist, il y a vraiment une atmosphère particulière qui se dégage de ce titre. C’est pas impossible qu’on la rejoue.

K-RPM : Vous venez récemment de célébrer la sortie de votre nouvel album « Event Horizon » avec pleins de vos fans au Backstage At The Mill, ce fut une super soirée ! Vous semblez certainement pas avoir souffert du « syndrome du second album » d’après ce que j’entends… c’est un vrai pas en avant par rapport à votre premier album « Obstacle », qui est excellent. Est-ce que vous avez écrit « Event Horizon » de zéro où est-ce qu’il y avait des morceaux de musique ou des idées de la période « Obstacle » ? 

HOWARD : Merci beaucoup, ça nous a foutu un sacré coup de joie de voir autant de monde. On avait bien la tête dans le guidon pour organiser tout ça avec Angie notre manageuse et l’asso Below The Sun et c’était un vrai plaisir de constater que tout s’est bien passé (même mieux qu’on ne l’imaginait, d’ailleurs).

En commençant à composer « Event Horizon », on avait déjà bien avancé « Telescope » et quelques bouts de « Bankable Sermon ». Mais à part ça, on repartait de rien avec un savant mélange de frustration (« Obstacle » est sorti le jour de l’annonce du confinement, la tournée de promo était annulée), d’angoisse et d’espoir. On s’est fait confiance sur les temps de compo, d’enregistrement et de production sans trop se presser. A quoi bon de toute façon ? Tout était à l’arrêt.

Pour le coup on a pas ressenti le syndrome du second album parce qu’on était étanche à toute pression extérieure et qu’on a pu bosser dans des conditions parfaites au studio Sextan, qu’on remercie encore et toujours.

K-RPM : Le clip de “Bankable Sermon” … vous aviez l’air de bien amuser ! Vous avez tous l’air très confortable devant la camera. Est-ce quelque chose que vous aimez bien faire ? 

HOWARD : C’est gentil ! On transmettra à Laura, JC (et Océane) qui nous ont concocté un tournage vraiment dingue et super pro. Ils ont bossé comme des fous et ont su nous mettre à l’aise parce qu’on était pas tout à fait rompus à l’exercice. On se rappelle de nos premières interviews, de nos premiers passages filmés… C’était pas tout à fait ça. On est tous les trois assez réservés mais il faut croire qu’on évolue à se pavaner un peu partout en France à jouer du gros rock. Un métier complet, on vous dit !

K-RPM : Pensez-vous qu’après avoir enregistré deux albums vous avez trouvé votre son et votre univers, ou est-ce que vous vous cherchez encore quand viendra le temps d’enregistrer à nouveau ?

HOWARD : Bonne question ! En éternels curieux et insatisfaits, on aura encore et toujours besoin de plonger plus profondément dans notre son et de découvrir de nouvelles facettes de notre univers et de nous-mêmes. C’est pas fini !

K-RPM : Vous chantez en anglais… ça m’intéresse vraiment d’écouter tellement de groupes ici en France chanter en anglais. Est-ce que c’était une décision consciente de votre part d’attirer un public plus large et international, ou est-ce simplement un reflet naturel à la musique que vous écoutez et dont vous vous inspirez ?

HOWARD : On ne pense pas trop à un public quand on compose. L’anglais est ce qui vient naturellement à JM au moment d’écrire les paroles. Les sonorités, le rythme et, comme tu dis, le reflet des influences d’un homme biberonné au songwriting anglais et nord-américain.

K-RPM : Avez-vous des restrictions personnelles par rapport au fait que vous ne chantez pas en Français ? Avez-vous déjà été critiqués pour ça ?

HOWARD : Oh la oui ! Que ce soit nous ou d’autres groupes, on entend parfois des « super ce que vous faites, mais pourquoi pas en français ? ». Dans la plupart des cas, il s’agit d’un projet avec une identité marquée. Il y a peut-être l’idée que le propos sera véhiculé plus clairement s’il l’est dans la langue maternelle de son interprète. Il y a aussi le fait que ceux qui posent la question n’ont pas forcément tout compris des paroles. On pense qu’il faut surtout savoir jongler avec les possibles et les limites de chaque outil (la langue en est un).

Aujourd’hui un projet musical n’est pas destiné qu’à son pays d’origine. Par les réseaux, le streaming, le monde entier y a accès. L’anglais est la langue historique du rock et aussi celle d’une bonne partie du monde. C’est donc la langue la plus naturelle pour un groupe de rock.

Côté restrictions personnelles, on ne se ferme aucune porte, donc il est possible qu’on finisse éventuellement par chanter en français… ou non. L’avenir nous le dira.

K-RPM : What’s next? Vous avez un excellent album à promouvoir, c’est quoi le plan?

HOWARD : Merci ! Le plan, c’est en effet ça : tourner comme des fous avec le matériel qu’on a et la réente signature avec les tourneuses d’Epic Tour. On espère être le plus occupés possible toute cette année pour faire vivre « Event Horizon » et continuer à poncer le show avec Arthur et Max nos gars de la technique (respectivement son et lumière). C’est tout ce qu’on peut nous souhaiter en tout cas!

K-RPM : Dernière question, et c’est probablement une question à deux balles… pourquoi “Howard” ?

HOWARD : A la base, on aime bien l’œuvre de Howard Phillips Lovecraft et son mode de narration où des personnages, transparents quant à leurs sensations, se heurtent à des forces qui les dépassent. Pire, qui dépassent l’entendement. L’isolement, la folie, ce sont des thèmes qui reviennent un peu chez nous aussi. Et puis, au bout d’un moment, le projet vit et son nom ne t’appartient plus complètement.